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L'antre de Shigeru Mizuki
En préparation...
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L'antre de Shigeru Mizuki
En préparation...
Par Nicolas, le 8/3/2022 à 14:53.
Comment:
Dans le milieu de la bande dessinée, et tout particulièrement du manga, le nom de Shigeru Mizuki résonne avec GeGeGe no Kitarô, NonNonBâ et Histoire de Shôwa. Il est un des maîtres incontestés du manga d'antan, de l'horreur et de la guerre, ainsi qu'un spécialiste du folklore japonais et des monstres yôkai.
Shigeru Mizuki est plutôt bien reconnu en France, notamment grâce aux éditions Cornélius qui ont édité un bon nombre de ses mangas, mais aussi grâce aux critiques qui encensent son œuvre entière depuis près de deux décennies (et bien plus encore au Japon). Il a aussi reçu deux prix au festival de la BD d'Angoulême en 2007 et 2009. Et voilà qu'il revient avec une grande exposition pour l'édition 2022.
Yoshikazu Tsuno/Agence France-Presse — Getty Images
Dans cet article, je souhaite davantage revenir sur sa vie, son enfance et sa place pendant la guerre jusqu'à ses débuts en tant qu'artiste professionnel dans le milieu du kamishibai. En somme, je souhaite parler de ce Shigeru Mizuki qui n'est pas encore accepté dans le circuit conventionnel du manga, mais qui est déjà un grand artiste en devenir.
L'enfance
Shigeru Mizuki (Shigeru Mura) est né le 8 mars 1922 dans le quartier de Kohama(mura) à Ôsaka (dans l'arrondissement de Nishihari, qui est devenu Higashi Kohama dans l'arrondissement de Sumiyoshi en 1925), soit 1 an et demi avant le grand tremblement de terre du Kantô, un peu moins de cinq ans avant le passage à l'ère Shôwa, et donc dans l'entre deux guerres quand les tensions sont de plus en plus palpables.
Shigeru est le deuxième des trois fils de Ryôichi et Kotoé Mura. À ce moment-là, son père travaille dans une imprimerie non loin de la station Umeda. Quant à sa mère, elle vit dans la résidence de ses parents à Sakaiminato dans la préfecture de Tottori. Quelques jours avant la naissance de Shigeru, Kotoé rend visite à son mari. Pour Ryôichi, les affaires ne sont pas terribles. Il quitte l'imprimerie moins d'un mois après la naissance de son fils et décide de repartir avec sa femme dans la demeure familiale à Sakaiminato. C'est finalement là que vit le petit Shigeru pendant une quinzaine d'années.
Malgré les déboires financiers de son père et l'immense perturbation économique qui suit le grand tremblement de terre du Kantô, on peut dire que la famille Mura n'est pas particulièrement touchée et ne manque pas d'argent, surtout parce que l'arrière grand-père de Shigeru, Sôhei Mura, était grossiste d'équipements de navire et tenait une entreprise gigantesque depuis la fin de l'ère Edo, reprise par la famille. Au début seulement. Ryôichi a tenté de monter une entreprise d'importation d'équipement pour l'agriculture, qui n'a pas fonctionné. Il a travaillé dans une banque mais il s'est fait virer. Il a même essayé de devenir scénariste de films, en vain, puis vendeur d'assurances... Malheureusement, les soucis financiers commencent à arriver et cela devient difficile même pour le grand-père qui décide de réaliser un nouveau business à Java, une île du Sud-Ouest de l'Indonésie.
Pendant ce temps-là, Shigeru grandit en songeant à manger tout ce qui lui passe sous la main et en se promenant où il veut sans se soucier de la distance. Fort heureusement, la vieille Nonnonbâ, la femme de ménage de la famille Mizuki, le retrouve et le ramène à la maison. Nonbonbâ a une grande..., plutôt une ENORME influence sur le petit Shigeru. Celle-ci lui raconte des histoires de yôkai qui va fortement développer son imaginaire. Cela peut sans doute paraître romantique, mais le petit Mizuki y croyait dur comme fer. Tout l'aspect folklorique que l'on aime tant dans son œuvre vient de tout le temps passé avec Nonnonbâ. Il l'aime tellement qu'il lui a dédié un manga tout entier, Nonnonbâ (1977), publié en France par Cornélius en 2006 (et qui a d'ailleurs remporté le prix du meilleur album pendant le Festival d'Angoulême en 2007), mais on la retrouve également dans les premiers volumes de Vie de Mizuki (2001, publié en France par Cornélius à partir de 2012) et de Shôwa : Une histoire du Japon (1988, qui ne demande qu'à être publié en France !
Malgré la grande flemme de Mizuki qui le mène à dormir jusque tard et à manquer la plupart des cours de mathématique, il s'avère tout de même bon élève, et surtout un bon artiste, un très bon artiste même. L'un de ceux dont raffole une certaine élite artistique. Dès l'école, ses professeurs allaient jusqu'à réaliser des présentations de ses dessins, disant qu'ils n'avaient rien de ceux d'un enfant, il recevait des prix et on parlait de lui dans les journaux, notamment dans le Mainichi Shinbun qui le surnomme « L'enfant prodige » à seulement 13 ou 14 ans.
Le jeune Shigeru deviendra grand !
Une fois son diplôme en poche, son père lui trouve du travail dans une imprimerie à Ôsaka. Mais il est paresseux, il se trompe sans arrêt, si bien qu'il finit par se faire virer, cela à deux reprises. En fin de compte il retourne à la demeure familiale et passe son temps à dessiner. C'est là où ses parents se demandent s'il ne ferait mieux pas d'aller dans une école d'art. On l'a inscrit à l'école des beaux-art de Seika à Ôsaka où le seul professeur était aussi le directeur, mais il n'y restait tout au plus qu'une heure par jour. En fin de compte, il dessine essentiellement pour lui-même, des contes des frères Grimm et des 1001 nuits, ou des histoires originales comme Suzume no Kodomo et Yume-gami (incertain quant à la lecture du titre en kanji). Pour autant, ses études à l'école des beaux-arts ne vont pas plus loin. Il rentre de nouveau à Sakaiminato et trouve un job de distributeur de journaux. Quelques temps après, il déménage à Tokyo avec ses parents. En parallèle, la guerre s'intensifie.
En 1942, alors qu'il est âgé de 20 ans, il passe un examen médical et, malgré sa myopie, reçoit une lettre de démobilisation pour rejoindre un régiment de l'armée impériale de Tottori.
À la guerre
La guerre fait partie de la vie de Mizuki. Si tu as lu Vie de Mizuki (ou son Histoire de Shôwa dont on retrouve parfois des segments similaires), alors tu sais déjà plus ou moins ce qu'il se passe. Mais je vais quand même faire un court résumé.
Mizuki est engagé à la guerre en 1942 à l'âge de 20 ans et autant dire qu'il enchaîne les coups durs. 1942 est une année pivot pour l'armée japonaise puisqu'elle se retrouve constamment repoussée après les fâcheuses attaques sur Pearl Harbor et le Raid sur Ceylan, c'est pourquoi elle a besoin de plus de recrues. (La bataille de Midway en juin 1942 sera finalement le début de la fin pour le Japon, du moins, selon l'histoire, car la version de Mizuki est légèrement différente). Au départ, Mizuki aurait pu éviter de se rendre dans les zones dangereuses grâce à sa myopie et son manque d'endurance. Mais il a commis une grosse erreur de calcul lors d'une réaffectation en choisissant d'aller au sud parce que : « Il fait froid au nord, alors je veux aller au sud ! »... Or, le sud, c'est là où se passe toutes les plus grosses batailles... En 1943, il est envoyé à Rabaul en Nouvelle-Bretagne dans l'archipel de Bismarck, donc sur le front avec, en face, les armées américaine, australienne et néo-zélandaise. Oui, ce n'est pas de tout repos... C'est un long, très long calvaire pour lui, d'autant plus qu'il était lent, peu motivé, ensommeillé. Il se fait constamment engueuler et critiquer par ses supérieurs. Comme punition, il participe aux surveillances de nuit et se retrouve parfois pris au dépourvu par des guérilleros de l'île. On le place aussi dans une troupe perdue où on l'envoyait en première ligne, donc avec très peu de chance de survivre... Il finit par tomber dans des crises d'angoisse et par attraper la malaria qui s'infecte dans ses blessures, notamment au bras gauche. Ayant oublié son groupe sanguin, les soins n'ont pas pu être opérés assez rapidement. On lui ampute le bras gauche sans aucune anesthésie, mais son bras s'infecte avec des vers partout...
(c) Mizuki Production
En passant, Mizuki n'était pas gaucher mais bel et bien droitier. On raconte souvent l'inverse pour une raison que j'ignore, mais il ne se dessinerait en train de dessiner de la main droite dans les mangas sur sa vie...
Mizuki n'est pas un warrior pour autant. Il a vécu la guerre et elle a été horrible pour lui comme pour beaucoup d'autres. Il n'a pas été un soldat au sang chaud près à tout pour sa patrie. En réalité, il y a même un moment où il a abandonné son arme quitte à se faire enguirlander. On va jusqu'à l'ordonner de se suicider pour cette soi-disant erreur, ce qui le mène à une pensée nihiliste envers la guerre, envers le fonctionnement d'une ou plusieurs facettes du Japon qu'il juge fasciste, et cela s'en ressent dans son œuvre quand il met parfois en scène l'absurdité et la tragédie de la guerre, du militarisme et de la politique japonaise, même dès ses premiers (kashihon) manga de guerre.
Ce n'est pas parce que le Japon (comprendre : les militaires et le gouvernement) était l'ennemi de l'Occident que tous les japonais adhéraient à cette cause, loin de là. Beaucoup de civils n'étaient même pas au courant de ce qu'il se passait. La mère de Mizuki trouvait cela tout aussi absurde même si ses fils ne comprenaient pas et ne lisaient que les histoires des héros de la nation dépeintes dans des revues comme Shônen Kurabu (C'est le même magazine que Shônen Club. Je note Kurabu au lieu de Club pour parler de sa période d'avant-guerre, quand le titre était encore entièrement en kanji.) Il existait aussi des mouvements anti-guerre, des professeurs d'université avec des idées communistes ou marxistes, tous poursuivis par les militaires et le gouvernement. Ces derniers profitaient des incidents et des revendications des mouvements anti-guerre pour les placarder en tant que méfaits, de nombreux professeurs se sont vus poussés à démissionner et leurs étudiants préféraient quitter leurs études. Comme souvent au Japon, les revendications de la gauche politique ne passent pas.
Je pense qu'il y a encore bien plus de chose à dire sur le rôle de Shigeru Mizuki pendant la guerre du Pacifique, mais je t'avoue que je m'y perds à cause de mon manque sérieux en matière d'histoire, c'est à peine si je propose un résumé car les détails sont trop nombreux. Donc je t'encourage à lire Vie de Mizuki et, si tu le peux, Shôwa : A history of Japan édité en anglais par Drawn & Quaterly.
Showa: A history of Japan. Drawn & Quaterly.
Le retour au Japon, l'artiste de kamishibai
Nous voici désormais à la plus grande partie de la vie de Mizuki, celle où il rentre au Japon pour devenir l'artiste que nous connaissons tous.
Pour autant, cette dernière partie se scinde là encore en... trois sous-parties : ses nouvelles études en école d'art à Tokyo, sa vie d'artiste en tant que kamishibai-ya à Kôbe, et enfin celle en tant que mangaka à Tokyo. Mais comme je l'ai indiqué au début de l'article, je ne vais pas aller plus loin que son rôle dans le milieu du kamishibai.
Mars 1946, Shigeru Mizuki revient enfin au Japon. Bien des choses ont changé. Il reste quelque temps à l'hôpital mais rentre peu après à Sakaiminato. En voyant qu'il lui manque un bras, sa famille est sous le choc. En 1947, il reçoit une lettre de l'hôpital pour une nouvelle opération pour son bras. Il retourne à Tokyo et découvre en même temps qu'il peut obtenir un petit emploi de dessinateur à l'hôpital, mais cela ne dure pas. Des amis lui proposent d'aller vivre ensemble dans un bâtiment abandonné avant de finalement déménager dans un hôtel pour réfugiés à Tsukishima. Il travaille aussi comme poissonnier près du pont Kachidoki. (Hé, mais c'est près de chez moi tout ça ! Un nouveau pèlerinage otaku s'impose !) Et à côté de ça, il fréquente l'école d'art de Musashino où il réussit tant bien que mal. Pour autant, il décide de quitter Tokyo pour se rendre jusqu'à Kôbe dans le département de Hyôgo, à l'ouest d'Ôsaka. La raison majeure est qu'il souhaite devenir artiste à temps plein, mais il lui est nécessaire d'obtenir une énorme somme d'argent pour lancer un atelier, ce qu'il n'a pas. Ce voyage lui permet de récolter de l'argent ici et là, sans grand succès pour autant.
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Pendant ce temps-là, dans la région du Kansai depuis... mars 1945, et ce que cela représente pour l'histoire du manga.
Hashimoto Shoten, une librairie à Matsuyachô en 1949. (c) Mainichi
On dit souvent que le manga s'est redéveloppé au lendemain de la guerre.
Le lendemain de la guerre, cela sonne souvent bien, comme un renouveau, un point de départ. Dans les faits, on a deux fils conducteurs, celui du lendemain de la guerre, mais aussi celui du lendemain des bombardements de mars 1945.
Les survivants des bombardements à Ôsaka font ce qu'ils peuvent pour trouver de l'argent et manger. Des marchés noirs apparaissent le long des décombres sur les plus grandes avenues, en particulier à Matsuyachô. C'était pareil à Ameya Yokochô (Ueno) après les bombardements de Tokyo.
Là, on y vend de tout, et tout coûte horriblement cher. Par exemple, un savon coûtait 20 yens au lieu de 10 sen (1 yen = 100 sen)...
De plus, à une époque sans télévision, ces grandes avenues sont le repère des bouquinistes qui attirent les petits comme les grands. On parle de dizaines de bouquinistes. Mais comme je l'explique dans mon article sur Shichima Sakai, l'industrie du papier n'est pas au meilleur de sa forme. Son contrôle est opéré par l'armée américaine.
Pour publier un bouquin, il est nécessaire de faire vérifier son contenu. Mais c'est aussi là qu'entre en jeu le senkashi, un papier recyclé un peu rougeâtre qui n'est pas contrôlé par l'armée. Celui-ci nous permet d'aboutir au akahon manga d'après-guerre (bien qu'il existait avant).
A Ôsaka, on utilise beaucoup ce papier recyclé pas terrible, sa teinte rougeâtre ressort davantage quand on le passe à l'impression.
En parallèle à Tokyo, dès 1948, on reconstruit une industrie du magazine standard, avec Manga Shônen en 1948, Omoshiro Book en 1949, etc. Ceux-ci publient des articles, romans, histoires illustrées, quelques mangas rigolos en 4 cases dans la lignée du comic strips, sinon pas plus de 4 ou 5 pages.
On tente de faire de même à Ôsaka, mais le secteur est plus marginal, en décalage avec ce qui se produit à Tokyo. C'est là qu'interviennent des personnalités comme Tokio Osaka et Shichima Sakai. Ils créent les revues appelées Manga Man (avec des caricatures assez difficiles à comprendre) et Hello Manga (avec des strips pour les enfants).
Ils fondent également l'association Kansai Manga Man Club et invitent des auteurs de tout le pays à les rejoindre. Ils seront 150, dont Osamu Tezuka.
La première réunion a lieu au domicile de Tokio Osaka le 20 août 1946. C'est à cette occasion que Tezuka rencontre Shichima Sakai qui lui propose de travailler ensemble. Ils aboutissent au célèbre Shin Takarajima (La nouvelle île au trésor) qui est publié en avril 1947, mais Tezuka publie déjà des strips dans des journaux et dans Hello Manga.
Je le note tout de même, car c'est sans aucun doute un point important en ce qui concerne Shin Takarajima. Le akahon manga est souvent un bouquin de mauvaise qualité et d'une cinquantaine de pages en papier recyclé. Mais Shin Takarajima, même s'il est bien considéré comme un akahon manga, l'objet tape à l'œil dans les librairies pour sa qualité hors norme. On a affaire à un gros bouquin d'environ 200 pages avec une couverture épaisse, et c'est sans parler de son contenu avec une mise en scène dont les techniques empruntent à la cinématographie. Shin Takarajima devient instantanément un succès gigantesque dans la région du Kansai. Mais ce n'est encore qu'un seul manga. Si certains jeunes enfants constatent la force qui s'en dégagent, il faut encore quelques années avant que la conception du manga à la manière de Tezuka (ou tezukien) s'infiltre dans la sphère du manga de Tokyo, vers 1950, quand les éditeurs cherchent à rompre avec les codes d'antan.
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Cela peut paraître fou quand on sait que Mizuki est l'un des plus grands mangaka du Japon, mais malgré le développement du renouveau du manga qui s'opère, Mizuki commence sa carrière, non pas dans le manga, mais dans le kamishibai, et il la poursuit jusqu'en 1957. J'ai déjà écrit un article sur le kamishibai, si tu veux en pour en savoir plus.
Mizuki arrive à Kôbe en 1949. Un petit rappel, le vrai nom de Shigeru Mizuki est Shigeru Mura. Et à Kôbe, il y a l'avenue Mizuki et une vieille résidence décrépie appelée Mizuki-sô tenue par une vieille femme qui souhaite s'en débarrasser. Shigeru fait un emprunt pour l'acheter, mais il doit mettre des chambres en location pour rembourser le dit emprunt. L'un de ses premiers locataires est un artiste de kamishibai qui attise la curiosité de Shigeru. Artiste dans l'âme, il veut en dessiner ! Ce kamishibai-ya en question lui propose d'aller rencontrer d'autres artistes. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de deux figures importantes du milieu du kamishibai : Katsumaru Suzuki et Kôji Kata (ces deux-là se connaissent depuis novembre 1945). Kôji Kata s'est réapproprié le célèbre Ôgon Bat de Takeo Nagamatsu en 1932. Suzuki appelait tout le temps Shigeru : M. Mizuki, car il habitait dans la résidence Mizuki-sô. Avec le temps, Shigeru finit par apprécier ce nom et l'adopte définitivement. Mizuki et Suzuki travaillent ensemble à l'atelier de Suzuki : Hanshin Gageki, jusqu'en 1957, même s'ils ont divers déboires financiers.
Mizuki dessine ainsi des tas d'histoires. En général, un kamishibai met en scène en personnage qui vit des tas d'aventures sur plusieurs chapitres. Par exemple, Kappa no Sanpei (qui devient aussi un manga par la suite) a été un kamishibai pour lequel il a dessiné une quarantaine d'histoires (une hist
Shigeru Mizuki est plutôt bien reconnu en France, notamment grâce aux éditions Cornélius qui ont édité un bon nombre de ses mangas, mais aussi grâce aux critiques qui encensent son œuvre entière depuis près de deux décennies (et bien plus encore au Japon). Il a aussi reçu deux prix au festival de la BD d'Angoulême en 2007 et 2009. Et voilà qu'il revient avec une grande exposition pour l'édition 2022.
Yoshikazu Tsuno/Agence France-Presse — Getty Images
Dans cet article, je souhaite davantage revenir sur sa vie, son enfance et sa place pendant la guerre jusqu'à ses débuts en tant qu'artiste professionnel dans le milieu du kamishibai. En somme, je souhaite parler de ce Shigeru Mizuki qui n'est pas encore accepté dans le circuit conventionnel du manga, mais qui est déjà un grand artiste en devenir.
L'enfance
Shigeru Mizuki (Shigeru Mura) est né le 8 mars 1922 dans le quartier de Kohama(mura) à Ôsaka (dans l'arrondissement de Nishihari, qui est devenu Higashi Kohama dans l'arrondissement de Sumiyoshi en 1925), soit 1 an et demi avant le grand tremblement de terre du Kantô, un peu moins de cinq ans avant le passage à l'ère Shôwa, et donc dans l'entre deux guerres quand les tensions sont de plus en plus palpables.
Shigeru est le deuxième des trois fils de Ryôichi et Kotoé Mura. À ce moment-là, son père travaille dans une imprimerie non loin de la station Umeda. Quant à sa mère, elle vit dans la résidence de ses parents à Sakaiminato dans la préfecture de Tottori. Quelques jours avant la naissance de Shigeru, Kotoé rend visite à son mari. Pour Ryôichi, les affaires ne sont pas terribles. Il quitte l'imprimerie moins d'un mois après la naissance de son fils et décide de repartir avec sa femme dans la demeure familiale à Sakaiminato. C'est finalement là que vit le petit Shigeru pendant une quinzaine d'années.
Malgré les déboires financiers de son père et l'immense perturbation économique qui suit le grand tremblement de terre du Kantô, on peut dire que la famille Mura n'est pas particulièrement touchée et ne manque pas d'argent, surtout parce que l'arrière grand-père de Shigeru, Sôhei Mura, était grossiste d'équipements de navire et tenait une entreprise gigantesque depuis la fin de l'ère Edo, reprise par la famille. Au début seulement. Ryôichi a tenté de monter une entreprise d'importation d'équipement pour l'agriculture, qui n'a pas fonctionné. Il a travaillé dans une banque mais il s'est fait virer. Il a même essayé de devenir scénariste de films, en vain, puis vendeur d'assurances... Malheureusement, les soucis financiers commencent à arriver et cela devient difficile même pour le grand-père qui décide de réaliser un nouveau business à Java, une île du Sud-Ouest de l'Indonésie.
Pendant ce temps-là, Shigeru grandit en songeant à manger tout ce qui lui passe sous la main et en se promenant où il veut sans se soucier de la distance. Fort heureusement, la vieille Nonnonbâ, la femme de ménage de la famille Mizuki, le retrouve et le ramène à la maison. Nonbonbâ a une grande..., plutôt une ENORME influence sur le petit Shigeru. Celle-ci lui raconte des histoires de yôkai qui va fortement développer son imaginaire. Cela peut sans doute paraître romantique, mais le petit Mizuki y croyait dur comme fer. Tout l'aspect folklorique que l'on aime tant dans son œuvre vient de tout le temps passé avec Nonnonbâ. Il l'aime tellement qu'il lui a dédié un manga tout entier, Nonnonbâ (1977), publié en France par Cornélius en 2006 (et qui a d'ailleurs remporté le prix du meilleur album pendant le Festival d'Angoulême en 2007), mais on la retrouve également dans les premiers volumes de Vie de Mizuki (2001, publié en France par Cornélius à partir de 2012) et de Shôwa : Une histoire du Japon (1988, qui ne demande qu'à être publié en France !
Malgré la grande flemme de Mizuki qui le mène à dormir jusque tard et à manquer la plupart des cours de mathématique, il s'avère tout de même bon élève, et surtout un bon artiste, un très bon artiste même. L'un de ceux dont raffole une certaine élite artistique. Dès l'école, ses professeurs allaient jusqu'à réaliser des présentations de ses dessins, disant qu'ils n'avaient rien de ceux d'un enfant, il recevait des prix et on parlait de lui dans les journaux, notamment dans le Mainichi Shinbun qui le surnomme « L'enfant prodige » à seulement 13 ou 14 ans.
Le jeune Shigeru deviendra grand !
Une fois son diplôme en poche, son père lui trouve du travail dans une imprimerie à Ôsaka. Mais il est paresseux, il se trompe sans arrêt, si bien qu'il finit par se faire virer, cela à deux reprises. En fin de compte il retourne à la demeure familiale et passe son temps à dessiner. C'est là où ses parents se demandent s'il ne ferait mieux pas d'aller dans une école d'art. On l'a inscrit à l'école des beaux-art de Seika à Ôsaka où le seul professeur était aussi le directeur, mais il n'y restait tout au plus qu'une heure par jour. En fin de compte, il dessine essentiellement pour lui-même, des contes des frères Grimm et des 1001 nuits, ou des histoires originales comme Suzume no Kodomo et Yume-gami (incertain quant à la lecture du titre en kanji). Pour autant, ses études à l'école des beaux-arts ne vont pas plus loin. Il rentre de nouveau à Sakaiminato et trouve un job de distributeur de journaux. Quelques temps après, il déménage à Tokyo avec ses parents. En parallèle, la guerre s'intensifie.
En 1942, alors qu'il est âgé de 20 ans, il passe un examen médical et, malgré sa myopie, reçoit une lettre de démobilisation pour rejoindre un régiment de l'armée impériale de Tottori.
À la guerre
La guerre fait partie de la vie de Mizuki. Si tu as lu Vie de Mizuki (ou son Histoire de Shôwa dont on retrouve parfois des segments similaires), alors tu sais déjà plus ou moins ce qu'il se passe. Mais je vais quand même faire un court résumé.
Mizuki est engagé à la guerre en 1942 à l'âge de 20 ans et autant dire qu'il enchaîne les coups durs. 1942 est une année pivot pour l'armée japonaise puisqu'elle se retrouve constamment repoussée après les fâcheuses attaques sur Pearl Harbor et le Raid sur Ceylan, c'est pourquoi elle a besoin de plus de recrues. (La bataille de Midway en juin 1942 sera finalement le début de la fin pour le Japon, du moins, selon l'histoire, car la version de Mizuki est légèrement différente). Au départ, Mizuki aurait pu éviter de se rendre dans les zones dangereuses grâce à sa myopie et son manque d'endurance. Mais il a commis une grosse erreur de calcul lors d'une réaffectation en choisissant d'aller au sud parce que : « Il fait froid au nord, alors je veux aller au sud ! »... Or, le sud, c'est là où se passe toutes les plus grosses batailles... En 1943, il est envoyé à Rabaul en Nouvelle-Bretagne dans l'archipel de Bismarck, donc sur le front avec, en face, les armées américaine, australienne et néo-zélandaise. Oui, ce n'est pas de tout repos... C'est un long, très long calvaire pour lui, d'autant plus qu'il était lent, peu motivé, ensommeillé. Il se fait constamment engueuler et critiquer par ses supérieurs. Comme punition, il participe aux surveillances de nuit et se retrouve parfois pris au dépourvu par des guérilleros de l'île. On le place aussi dans une troupe perdue où on l'envoyait en première ligne, donc avec très peu de chance de survivre... Il finit par tomber dans des crises d'angoisse et par attraper la malaria qui s'infecte dans ses blessures, notamment au bras gauche. Ayant oublié son groupe sanguin, les soins n'ont pas pu être opérés assez rapidement. On lui ampute le bras gauche sans aucune anesthésie, mais son bras s'infecte avec des vers partout...
(c) Mizuki Production
En passant, Mizuki n'était pas gaucher mais bel et bien droitier. On raconte souvent l'inverse pour une raison que j'ignore, mais il ne se dessinerait en train de dessiner de la main droite dans les mangas sur sa vie...
Mizuki n'est pas un warrior pour autant. Il a vécu la guerre et elle a été horrible pour lui comme pour beaucoup d'autres. Il n'a pas été un soldat au sang chaud près à tout pour sa patrie. En réalité, il y a même un moment où il a abandonné son arme quitte à se faire enguirlander. On va jusqu'à l'ordonner de se suicider pour cette soi-disant erreur, ce qui le mène à une pensée nihiliste envers la guerre, envers le fonctionnement d'une ou plusieurs facettes du Japon qu'il juge fasciste, et cela s'en ressent dans son œuvre quand il met parfois en scène l'absurdité et la tragédie de la guerre, du militarisme et de la politique japonaise, même dès ses premiers (kashihon) manga de guerre.
Ce n'est pas parce que le Japon (comprendre : les militaires et le gouvernement) était l'ennemi de l'Occident que tous les japonais adhéraient à cette cause, loin de là. Beaucoup de civils n'étaient même pas au courant de ce qu'il se passait. La mère de Mizuki trouvait cela tout aussi absurde même si ses fils ne comprenaient pas et ne lisaient que les histoires des héros de la nation dépeintes dans des revues comme Shônen Kurabu (C'est le même magazine que Shônen Club. Je note Kurabu au lieu de Club pour parler de sa période d'avant-guerre, quand le titre était encore entièrement en kanji.) Il existait aussi des mouvements anti-guerre, des professeurs d'université avec des idées communistes ou marxistes, tous poursuivis par les militaires et le gouvernement. Ces derniers profitaient des incidents et des revendications des mouvements anti-guerre pour les placarder en tant que méfaits, de nombreux professeurs se sont vus poussés à démissionner et leurs étudiants préféraient quitter leurs études. Comme souvent au Japon, les revendications de la gauche politique ne passent pas.
Je pense qu'il y a encore bien plus de chose à dire sur le rôle de Shigeru Mizuki pendant la guerre du Pacifique, mais je t'avoue que je m'y perds à cause de mon manque sérieux en matière d'histoire, c'est à peine si je propose un résumé car les détails sont trop nombreux. Donc je t'encourage à lire Vie de Mizuki et, si tu le peux, Shôwa : A history of Japan édité en anglais par Drawn & Quaterly.
Showa: A history of Japan. Drawn & Quaterly.
Le retour au Japon, l'artiste de kamishibai
Nous voici désormais à la plus grande partie de la vie de Mizuki, celle où il rentre au Japon pour devenir l'artiste que nous connaissons tous.
Pour autant, cette dernière partie se scinde là encore en... trois sous-parties : ses nouvelles études en école d'art à Tokyo, sa vie d'artiste en tant que kamishibai-ya à Kôbe, et enfin celle en tant que mangaka à Tokyo. Mais comme je l'ai indiqué au début de l'article, je ne vais pas aller plus loin que son rôle dans le milieu du kamishibai.
Mars 1946, Shigeru Mizuki revient enfin au Japon. Bien des choses ont changé. Il reste quelque temps à l'hôpital mais rentre peu après à Sakaiminato. En voyant qu'il lui manque un bras, sa famille est sous le choc. En 1947, il reçoit une lettre de l'hôpital pour une nouvelle opération pour son bras. Il retourne à Tokyo et découvre en même temps qu'il peut obtenir un petit emploi de dessinateur à l'hôpital, mais cela ne dure pas. Des amis lui proposent d'aller vivre ensemble dans un bâtiment abandonné avant de finalement déménager dans un hôtel pour réfugiés à Tsukishima. Il travaille aussi comme poissonnier près du pont Kachidoki. (Hé, mais c'est près de chez moi tout ça ! Un nouveau pèlerinage otaku s'impose !) Et à côté de ça, il fréquente l'école d'art de Musashino où il réussit tant bien que mal. Pour autant, il décide de quitter Tokyo pour se rendre jusqu'à Kôbe dans le département de Hyôgo, à l'ouest d'Ôsaka. La raison majeure est qu'il souhaite devenir artiste à temps plein, mais il lui est nécessaire d'obtenir une énorme somme d'argent pour lancer un atelier, ce qu'il n'a pas. Ce voyage lui permet de récolter de l'argent ici et là, sans grand succès pour autant.
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Pendant ce temps-là, dans la région du Kansai depuis... mars 1945, et ce que cela représente pour l'histoire du manga.
Hashimoto Shoten, une librairie à Matsuyachô en 1949. (c) Mainichi
On dit souvent que le manga s'est redéveloppé au lendemain de la guerre.
Le lendemain de la guerre, cela sonne souvent bien, comme un renouveau, un point de départ. Dans les faits, on a deux fils conducteurs, celui du lendemain de la guerre, mais aussi celui du lendemain des bombardements de mars 1945.
Les survivants des bombardements à Ôsaka font ce qu'ils peuvent pour trouver de l'argent et manger. Des marchés noirs apparaissent le long des décombres sur les plus grandes avenues, en particulier à Matsuyachô. C'était pareil à Ameya Yokochô (Ueno) après les bombardements de Tokyo.
Là, on y vend de tout, et tout coûte horriblement cher. Par exemple, un savon coûtait 20 yens au lieu de 10 sen (1 yen = 100 sen)...
De plus, à une époque sans télévision, ces grandes avenues sont le repère des bouquinistes qui attirent les petits comme les grands. On parle de dizaines de bouquinistes. Mais comme je l'explique dans mon article sur Shichima Sakai, l'industrie du papier n'est pas au meilleur de sa forme. Son contrôle est opéré par l'armée américaine.
Pour publier un bouquin, il est nécessaire de faire vérifier son contenu. Mais c'est aussi là qu'entre en jeu le senkashi, un papier recyclé un peu rougeâtre qui n'est pas contrôlé par l'armée. Celui-ci nous permet d'aboutir au akahon manga d'après-guerre (bien qu'il existait avant).
A Ôsaka, on utilise beaucoup ce papier recyclé pas terrible, sa teinte rougeâtre ressort davantage quand on le passe à l'impression.
En parallèle à Tokyo, dès 1948, on reconstruit une industrie du magazine standard, avec Manga Shônen en 1948, Omoshiro Book en 1949, etc. Ceux-ci publient des articles, romans, histoires illustrées, quelques mangas rigolos en 4 cases dans la lignée du comic strips, sinon pas plus de 4 ou 5 pages.
On tente de faire de même à Ôsaka, mais le secteur est plus marginal, en décalage avec ce qui se produit à Tokyo. C'est là qu'interviennent des personnalités comme Tokio Osaka et Shichima Sakai. Ils créent les revues appelées Manga Man (avec des caricatures assez difficiles à comprendre) et Hello Manga (avec des strips pour les enfants).
Ils fondent également l'association Kansai Manga Man Club et invitent des auteurs de tout le pays à les rejoindre. Ils seront 150, dont Osamu Tezuka.
La première réunion a lieu au domicile de Tokio Osaka le 20 août 1946. C'est à cette occasion que Tezuka rencontre Shichima Sakai qui lui propose de travailler ensemble. Ils aboutissent au célèbre Shin Takarajima (La nouvelle île au trésor) qui est publié en avril 1947, mais Tezuka publie déjà des strips dans des journaux et dans Hello Manga.
Je le note tout de même, car c'est sans aucun doute un point important en ce qui concerne Shin Takarajima. Le akahon manga est souvent un bouquin de mauvaise qualité et d'une cinquantaine de pages en papier recyclé. Mais Shin Takarajima, même s'il est bien considéré comme un akahon manga, l'objet tape à l'œil dans les librairies pour sa qualité hors norme. On a affaire à un gros bouquin d'environ 200 pages avec une couverture épaisse, et c'est sans parler de son contenu avec une mise en scène dont les techniques empruntent à la cinématographie. Shin Takarajima devient instantanément un succès gigantesque dans la région du Kansai. Mais ce n'est encore qu'un seul manga. Si certains jeunes enfants constatent la force qui s'en dégagent, il faut encore quelques années avant que la conception du manga à la manière de Tezuka (ou tezukien) s'infiltre dans la sphère du manga de Tokyo, vers 1950, quand les éditeurs cherchent à rompre avec les codes d'antan.
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Cela peut paraître fou quand on sait que Mizuki est l'un des plus grands mangaka du Japon, mais malgré le développement du renouveau du manga qui s'opère, Mizuki commence sa carrière, non pas dans le manga, mais dans le kamishibai, et il la poursuit jusqu'en 1957. J'ai déjà écrit un article sur le kamishibai, si tu veux en pour en savoir plus.
Mizuki arrive à Kôbe en 1949. Un petit rappel, le vrai nom de Shigeru Mizuki est Shigeru Mura. Et à Kôbe, il y a l'avenue Mizuki et une vieille résidence décrépie appelée Mizuki-sô tenue par une vieille femme qui souhaite s'en débarrasser. Shigeru fait un emprunt pour l'acheter, mais il doit mettre des chambres en location pour rembourser le dit emprunt. L'un de ses premiers locataires est un artiste de kamishibai qui attise la curiosité de Shigeru. Artiste dans l'âme, il veut en dessiner ! Ce kamishibai-ya en question lui propose d'aller rencontrer d'autres artistes. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de deux figures importantes du milieu du kamishibai : Katsumaru Suzuki et Kôji Kata (ces deux-là se connaissent depuis novembre 1945). Kôji Kata s'est réapproprié le célèbre Ôgon Bat de Takeo Nagamatsu en 1932. Suzuki appelait tout le temps Shigeru : M. Mizuki, car il habitait dans la résidence Mizuki-sô. Avec le temps, Shigeru finit par apprécier ce nom et l'adopte définitivement. Mizuki et Suzuki travaillent ensemble à l'atelier de Suzuki : Hanshin Gageki, jusqu'en 1957, même s'ils ont divers déboires financiers.
Mizuki dessine ainsi des tas d'histoires. En général, un kamishibai met en scène en personnage qui vit des tas d'aventures sur plusieurs chapitres. Par exemple, Kappa no Sanpei (qui devient aussi un manga par la suite) a été un kamishibai pour lequel il a dessiné une quarantaine d'histoires (une hist
Par Nicolas, le 21/7/2021 à 12:10.
Si vous avez lu la dernière édition de La Nouvelle Île au Trésor (Shin Takarajima) d’Osamu Tezuka chez Isan Manga, j’imagine que vous avez entendu parler de Shichima Sakai, celui qui a travaillé à ses côtés. À la fin de l’ouvrage, Xavier Hébert explique rapidement qui est Sakai et note le nom de la revue Hello Manga. Mais, et on ne peut pas lui en vouloir, c’est avant tout un texte sur Shin Takarajima et Tezuka, donc il n’y explore pas tellement la vie et l’oeuvre de Sakai. Néanmoins, même dans des ouvrages plus dense sur le dieu du manga, je trouve qu’on esquive un peu le sujet si ce n’est pour dire encore et toujours qu’il est son collaborateur. C’est dommage, non ? Je tenais donc à revenir dessus pour le mettre davantage en avant, parler de sa vie, son oeuvre, et son implication sur le destin de Tezuka.
Shichima Sakai (1923~1945) : un mangaka et un animateur
▣ Premiers pas dans le milieu du manga : Ôsaka Puck & Ôsaka Shinbun
En Occident, on ne le connait qu’en tant que collaborateur de Osamu Tezuka et co-créateur de la première version de Shin Takarajima, mais Sakai était déjà mangaka à temps plein depuis deux décennies, scénariste de romans illustrés et de kamishibai, animateur et storyboardeur. Certes, son travail n’a jamais eu un retentissement aussi fort que Tezuka, mais il est très respecté, surtout dans la région du Kansai. Parfois, on rappelle qui il a été lors d'une exposition.
Shichima Sakai, de son nom de naissance Yanosuke, est né le 26 avril 1905 à Ôsaka (plus précisément à Daihôjimachi Nishinochô, mais ce nom n'existe plus de nos jours, le quartier s'appelle désormais Nishishinsaiba). Quand il s’intéresse au dessin, il entend parler d’Ôsaka Puck, une revue satirique très populaire dont la publication a commencé la même année que sa naissance. En 1923, il rend visite à Kyûho Kodera, qui travaille comme illustrateur pour ladite revue, et devient son disciple. Il passe ainsi ses journées à dessiner, mais autre particularité, il apprend aussi à éditer.
Le panneau explique la renommée de la revue satarique qui, à son meilleur moment, vendait jusqu’à cent mille exemplaires. Kyuhô Kodera est l’artiste qui en dessinait les couvertures. Ôsaka Puck devient Manga Nihon en 1943, puis Yomimono to Manga en 1946. Malgré ces changements de nom, la publication s’interrompt en 1950.
▣ Deux cycles d'animation : dans les studios Nikkatsu Kyôto Satsueisho Manga-bu & Nihon Eiga Kagaku Kenkyûsho
Comme souvent à cette époque, les mangakas entretiennent un rapport étroit avec le milieu de l’animation. À ce sujet, Shichima Sakai connaît plusieurs cycles. Le premier a lieu entre avril 1934 et juin 1935 où, grâce à l’acteur Denjirô Ôkôchi (source 1), il rejoint le département manga (comprendre animation) d’une branche du studio Nikkatsu à Kyôto (Nikkatsu Kyôto Satsueisho Manga-bu). Là, il travaille sur le film Shima no Musume, le premier film d’animation parlant du studio. Il est ensuite animateur sur leurs prochains films, la trilogie Ninjutsu Ninotama Kozô (Edo no Maki, Sanzoku Taiji no Maki, Kaizoku Taiji no Maki) réalisée par Yoshi Tanaka. Malheureusement, ce département manga du studio ferme ses portes en juin (source 2), Sakai décide de retourner travailler à temps plein pour Ôsaka Puck et Ôsaka Shinbun.
Son deuxième cycle dans l’animation intervient en 1941 en entrant au studio Nihon Eiga Kagaku Kenkyûsho (très lié au studio Nihon Dôga Kenkyûsho fondé par Masaoka Kenzô en 1937 sous le nom de Nihon Dôga Kyôkai (source 3)) et réalise les films Umi no Shôyûshi et Sora no Imontai. Il anime également Odoru Engine. En 1942, il devient le président de la branche du Kansai de l’association Nihon Eiga Hôkô-kai, dont la maison mère avait été fondée par Ippei Okamoto. Et l’un de ses présidents n'était autre que Rakuten Kitazawa. En somme, Shichima Sakai devient un très gros nom dans ce milieu, il fréquente et rassemble de plus en plus de monde. Même si il est mangaka depuis déjà de nombreuses années, sa carrière dans l’animation s'avèrera encore plus importante dans les années 1960 grâce aux rencontres et aux actions qu’il entreprend à ce moment-là.
1 : Cette anecdote a été publié dans l'édition du 23 mai 1934 du journal Kyôto Nisshutsu Shinbun.
2 : Annoncé dans la revue Kinema Junpô du 1er juillet 1935, mais aussi dans l’ouvrage Nihon Kyôiku Eiga Hattatsu-shi, écrit par Jun’ichirô Tanaka et publié en 1979.) 3 : Terebi anime yoake mae – shirarezaru kansai-ken animation kôbôki, Nobuyuki Tsuguta, Nakanishiya Shuppan, 2012.
▣ Interlude ~ les akahon manga
La guerre éclate, et autant dire que le Japon a bien du mal à s’en relever. Après la défaite, le pays se retrouve à genoux, l’économie est à plat, les gens galèrent, l’industrie du cinéma perd la moitié de ses salles, celle du papier est en rade. De plus, tout doit être passé au crible par le commandement suprême des forces alliées (SCAP/GHQ) qui ne peut en fournir qu’une petite quantité par personne. Il n’est plus possible de produire un film pour mettre en avant les valeurs de l’empire, donc ni militarisme, ni nationalisme. De fait, la production des films de guerre sont annulés, et le jidaigeki est difficile à faire accepter de par ses propos nationalistes même si cela se passe souvent pendant Edo. Il en est de même dans le manga où les histoires de samouraï se font rares, tout comme celles mettant en scène les arts-martiaux. Mais le manga et l’animation ne s’arrêtent pas qu’à la propagande et au jidaigeki, loin de là. Il est tout à fait possible de dessiner beaucoup d’autres thèmes : le sport d’équipe est acceptable, en particulier le baseball, l’aventure, la science-fiction, ou encore des scènes du quotidien et la beauté du paysage.
Economiquement, même si le Japon ne peut plus se servir dans les mines de ses pays voisins, il découvre à sa grande surprise qu'il est capable de produire 3 à 4 fois plus sur son propre terrain. (Bah ouais...) De fait, la reprise économique est beaucoup plus rapide que prévu, allant même jusqu'à une hyper-inflation. On raconte souvent que le Japon est en rade jusqu'au milieu des années 1950, mais en réalité, ce n'est le cas que pour deux ans. Et suite aux actions ironiques menées pour et pendant la guerre de Corée, les choses rentrent à peu près dans l’ordre pour le Japon en 1952 après la signature du Traité de San Francisco. C'est ici la première étape du fameux miracle économique japonais.
Côté culture, le problème n’est pas le manque de possibilités, mais plutôt le manque de matériels, surtout le papier dans le cas du manga, et l’obligation d’aller faire accepter son travail. S’en charger demande des ressources et des compétences, car il faut se rendre à Tokyo et présenter un dossier en anglais, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde, surtout quand on habite dans le Kansai. C’est pourquoi, même si quelques grosses personnalités parviennent à monter des nouveaux studios et des maisons d’édition, on voit apparaître un marché noir de l’édition du livre et du manga dans les régions assez éloignées de Tokyo où, adultes comme enfants, utilisent un papier recyclé non régulé par le SCAP pour dessiner des illustrations et/ou des petites histoires d’une vingtaine de pages.
La teinte rougeâtre de ce papier recyclé aboutit à la naissance du akahon d’après-guerre, et donc à celle du akahon manga. Ils commencent à s'en vendre à Ôsaka, dans les rues du quartier de Matsuyachô, d’abord dans des boutiques de bonbons et sur les stands routiers comme ceux que l’on peut voir lors des festivals. Après la publication de Shin Takarajima, le phénomène explose et s’étend jusque dans les librairies du quartier (Fujiya Shoten, Tôkôdô, Sanshun Shobô). Peu à peu, ces boutiques proposent non seulement de les vendre, mais aussi de les louer, et on aboutit au fameux circuit du kashihon manga, puis à celle du gekiga, mais c'est une autre histoire. L’histoire du akahon est encore plus complexe, mais certains passages sont encore très flous pour moi. On peut déjà dire que le akahon existait avant la guerre, et qu'il existait aussi sous diverses formes (omocha manga, mame-hon), mais dans le cas présent, je pense en avoir écrit assez pour comprendre la suite de l'article.
On remarque, d'une manière ou d'une autre, la présence d'une couleur rouge, soit dans le titre ou dans le fond dans le dessin.
Shichima Sakai (1946~1969) : un éditeur et un storyboardeur
▣ La fondation d'Ikuei Shuppan
Si j’évoque précisément ici l’arrivée du akahon manga, c’est parce que Sakai va aussi avoir son rôle dans l’explosion de ce marché.
Au lendemain de la guerre, il doit d’abord se reconstruire. Comme beaucoup de gens, il n’échappe malheureusement pas aux raids aériens. A Ôsaka, ils ont eu lieu le 13 mars 1945. Il perd sa demeure comme la fortune qu’il a amassée durant les vingt années précédentes. Sa première idée est de se rendre au marché noir d’Uehonmachi en espérant trouver un moyen de se nourrir, mais ce qu’il aperçoit est un spectacle désolant.
Son regard aurait été attiré par un furoshiki contenant ce qui ressemble à des menko, des petites cartes rondes et rigides. Mais celles-ci étaient faites avec un papier utilisé pour dessiner des scripts de manga. Il réalise que les enfants essaient aussi de survivre en cherchant à vendre ces cartes sur lesquelles ils ont dessiné. On découvre ici la réémergence des omocha manga et des mame-hon, qui sont des variations des akahon manga dont je parlais plus tôt.
En attendant de se refaire grâce à ses contacts, Sakai dessine aussi des portraits des militaires américains pour gagner un peu d’argent et manger. Il découvre les comics dans la foulée.
N’étant pas le premier venu dans le monde du manga, il n’attend pas longtemps pour fonder une nouvelle structure, une maison d’édition appelée Ikuei Shuppan. Il entame la publication de plusieurs revues : Manga Man et Hello Manga. La première est la publication officielle du cercle Kansai Manga Man Club qu’il fonde avec d’autres artistes d’Ôsaka, dont Tokio Ôsaka, Masao Tanaka, Mitsuo Tôura?. A en voir son aspect, on est plutôt dans la revue d'auteur pour adulte avec des caricatures difficile à appréhender.
Quant à Hello Manga, il s'agit d'une revue pour enfants avec des couvertures colorés et des histoires amusantes.
C’est aussi lors d’une rencontre de ce cercle, en août 1946, que Sakai fait la connaissance de Osamu Tezuka. Ce n'est pas tout à fait clair, mais comme Hello Manga est publié tous les deux mois, et que le numéro 2 a été publié en octobre 1946, on peut deviner que la rencontre de ce cercle avait pour but d’inaugurer la publication du premier numéro. Tezuka n’y apparaîtrait qu’à partir du deuxième numéro en publiant le strip Kurihirohi.
Couverture des numéros 1 & 5 de la revue Manga Man, respectivement publiés en mai et octobre 1946.
Deuxième numéro de Hello Manga, où l'on découvre quelques strips de Shichima Sakai (Zô no Kushami), Osamu Tezuka (Kurihirohi) et de Yamate? Yoshikazu. (Pour agrandir : clic droit > ouvrir l'image dans un nouvel onglet)
Bien, je m’arrête ici pour l’instant. L’article est très long à écrire et ma partie sur la relation entre Tezuka et Sakai est loin d’être terminée... Je ne peux même pas dire quand ce sera prêt.. ^^"
Happy Manga Day ! (avec un jour de retard)
Lectures complémentaires :
Nazo no mangaka - Sakai Shichima-den - Shin Takarajima densetsu no hikari to kage, Haruyuki Nakano, Chikuma Shobô, 2007.
Bessatsu Taiyô - Kodomo no shôwa-shi - Shônen Manga no Sekai I, Heibonsha, 1996.
Shichima Sakai (1923~1945) : un mangaka et un animateur
▣ Premiers pas dans le milieu du manga : Ôsaka Puck & Ôsaka Shinbun
En Occident, on ne le connait qu’en tant que collaborateur de Osamu Tezuka et co-créateur de la première version de Shin Takarajima, mais Sakai était déjà mangaka à temps plein depuis deux décennies, scénariste de romans illustrés et de kamishibai, animateur et storyboardeur. Certes, son travail n’a jamais eu un retentissement aussi fort que Tezuka, mais il est très respecté, surtout dans la région du Kansai. Parfois, on rappelle qui il a été lors d'une exposition.
Shichima Sakai, de son nom de naissance Yanosuke, est né le 26 avril 1905 à Ôsaka (plus précisément à Daihôjimachi Nishinochô, mais ce nom n'existe plus de nos jours, le quartier s'appelle désormais Nishishinsaiba). Quand il s’intéresse au dessin, il entend parler d’Ôsaka Puck, une revue satirique très populaire dont la publication a commencé la même année que sa naissance. En 1923, il rend visite à Kyûho Kodera, qui travaille comme illustrateur pour ladite revue, et devient son disciple. Il passe ainsi ses journées à dessiner, mais autre particularité, il apprend aussi à éditer.
Le panneau explique la renommée de la revue satarique qui, à son meilleur moment, vendait jusqu’à cent mille exemplaires. Kyuhô Kodera est l’artiste qui en dessinait les couvertures. Ôsaka Puck devient Manga Nihon en 1943, puis Yomimono to Manga en 1946. Malgré ces changements de nom, la publication s’interrompt en 1950.
▣ Deux cycles d'animation : dans les studios Nikkatsu Kyôto Satsueisho Manga-bu & Nihon Eiga Kagaku Kenkyûsho
Comme souvent à cette époque, les mangakas entretiennent un rapport étroit avec le milieu de l’animation. À ce sujet, Shichima Sakai connaît plusieurs cycles. Le premier a lieu entre avril 1934 et juin 1935 où, grâce à l’acteur Denjirô Ôkôchi (source 1), il rejoint le département manga (comprendre animation) d’une branche du studio Nikkatsu à Kyôto (Nikkatsu Kyôto Satsueisho Manga-bu). Là, il travaille sur le film Shima no Musume, le premier film d’animation parlant du studio. Il est ensuite animateur sur leurs prochains films, la trilogie Ninjutsu Ninotama Kozô (Edo no Maki, Sanzoku Taiji no Maki, Kaizoku Taiji no Maki) réalisée par Yoshi Tanaka. Malheureusement, ce département manga du studio ferme ses portes en juin (source 2), Sakai décide de retourner travailler à temps plein pour Ôsaka Puck et Ôsaka Shinbun.
Son deuxième cycle dans l’animation intervient en 1941 en entrant au studio Nihon Eiga Kagaku Kenkyûsho (très lié au studio Nihon Dôga Kenkyûsho fondé par Masaoka Kenzô en 1937 sous le nom de Nihon Dôga Kyôkai (source 3)) et réalise les films Umi no Shôyûshi et Sora no Imontai. Il anime également Odoru Engine. En 1942, il devient le président de la branche du Kansai de l’association Nihon Eiga Hôkô-kai, dont la maison mère avait été fondée par Ippei Okamoto. Et l’un de ses présidents n'était autre que Rakuten Kitazawa. En somme, Shichima Sakai devient un très gros nom dans ce milieu, il fréquente et rassemble de plus en plus de monde. Même si il est mangaka depuis déjà de nombreuses années, sa carrière dans l’animation s'avèrera encore plus importante dans les années 1960 grâce aux rencontres et aux actions qu’il entreprend à ce moment-là.
1 : Cette anecdote a été publié dans l'édition du 23 mai 1934 du journal Kyôto Nisshutsu Shinbun.
2 : Annoncé dans la revue Kinema Junpô du 1er juillet 1935, mais aussi dans l’ouvrage Nihon Kyôiku Eiga Hattatsu-shi, écrit par Jun’ichirô Tanaka et publié en 1979.) 3 : Terebi anime yoake mae – shirarezaru kansai-ken animation kôbôki, Nobuyuki Tsuguta, Nakanishiya Shuppan, 2012.
▣ Interlude ~ les akahon manga
La guerre éclate, et autant dire que le Japon a bien du mal à s’en relever. Après la défaite, le pays se retrouve à genoux, l’économie est à plat, les gens galèrent, l’industrie du cinéma perd la moitié de ses salles, celle du papier est en rade. De plus, tout doit être passé au crible par le commandement suprême des forces alliées (SCAP/GHQ) qui ne peut en fournir qu’une petite quantité par personne. Il n’est plus possible de produire un film pour mettre en avant les valeurs de l’empire, donc ni militarisme, ni nationalisme. De fait, la production des films de guerre sont annulés, et le jidaigeki est difficile à faire accepter de par ses propos nationalistes même si cela se passe souvent pendant Edo. Il en est de même dans le manga où les histoires de samouraï se font rares, tout comme celles mettant en scène les arts-martiaux. Mais le manga et l’animation ne s’arrêtent pas qu’à la propagande et au jidaigeki, loin de là. Il est tout à fait possible de dessiner beaucoup d’autres thèmes : le sport d’équipe est acceptable, en particulier le baseball, l’aventure, la science-fiction, ou encore des scènes du quotidien et la beauté du paysage.
Economiquement, même si le Japon ne peut plus se servir dans les mines de ses pays voisins, il découvre à sa grande surprise qu'il est capable de produire 3 à 4 fois plus sur son propre terrain. (Bah ouais...) De fait, la reprise économique est beaucoup plus rapide que prévu, allant même jusqu'à une hyper-inflation. On raconte souvent que le Japon est en rade jusqu'au milieu des années 1950, mais en réalité, ce n'est le cas que pour deux ans. Et suite aux actions ironiques menées pour et pendant la guerre de Corée, les choses rentrent à peu près dans l’ordre pour le Japon en 1952 après la signature du Traité de San Francisco. C'est ici la première étape du fameux miracle économique japonais.
Côté culture, le problème n’est pas le manque de possibilités, mais plutôt le manque de matériels, surtout le papier dans le cas du manga, et l’obligation d’aller faire accepter son travail. S’en charger demande des ressources et des compétences, car il faut se rendre à Tokyo et présenter un dossier en anglais, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde, surtout quand on habite dans le Kansai. C’est pourquoi, même si quelques grosses personnalités parviennent à monter des nouveaux studios et des maisons d’édition, on voit apparaître un marché noir de l’édition du livre et du manga dans les régions assez éloignées de Tokyo où, adultes comme enfants, utilisent un papier recyclé non régulé par le SCAP pour dessiner des illustrations et/ou des petites histoires d’une vingtaine de pages.
La teinte rougeâtre de ce papier recyclé aboutit à la naissance du akahon d’après-guerre, et donc à celle du akahon manga. Ils commencent à s'en vendre à Ôsaka, dans les rues du quartier de Matsuyachô, d’abord dans des boutiques de bonbons et sur les stands routiers comme ceux que l’on peut voir lors des festivals. Après la publication de Shin Takarajima, le phénomène explose et s’étend jusque dans les librairies du quartier (Fujiya Shoten, Tôkôdô, Sanshun Shobô). Peu à peu, ces boutiques proposent non seulement de les vendre, mais aussi de les louer, et on aboutit au fameux circuit du kashihon manga, puis à celle du gekiga, mais c'est une autre histoire. L’histoire du akahon est encore plus complexe, mais certains passages sont encore très flous pour moi. On peut déjà dire que le akahon existait avant la guerre, et qu'il existait aussi sous diverses formes (omocha manga, mame-hon), mais dans le cas présent, je pense en avoir écrit assez pour comprendre la suite de l'article.
On remarque, d'une manière ou d'une autre, la présence d'une couleur rouge, soit dans le titre ou dans le fond dans le dessin.
Shichima Sakai (1946~1969) : un éditeur et un storyboardeur
▣ La fondation d'Ikuei Shuppan
Si j’évoque précisément ici l’arrivée du akahon manga, c’est parce que Sakai va aussi avoir son rôle dans l’explosion de ce marché.
Au lendemain de la guerre, il doit d’abord se reconstruire. Comme beaucoup de gens, il n’échappe malheureusement pas aux raids aériens. A Ôsaka, ils ont eu lieu le 13 mars 1945. Il perd sa demeure comme la fortune qu’il a amassée durant les vingt années précédentes. Sa première idée est de se rendre au marché noir d’Uehonmachi en espérant trouver un moyen de se nourrir, mais ce qu’il aperçoit est un spectacle désolant.
Son regard aurait été attiré par un furoshiki contenant ce qui ressemble à des menko, des petites cartes rondes et rigides. Mais celles-ci étaient faites avec un papier utilisé pour dessiner des scripts de manga. Il réalise que les enfants essaient aussi de survivre en cherchant à vendre ces cartes sur lesquelles ils ont dessiné. On découvre ici la réémergence des omocha manga et des mame-hon, qui sont des variations des akahon manga dont je parlais plus tôt.
En attendant de se refaire grâce à ses contacts, Sakai dessine aussi des portraits des militaires américains pour gagner un peu d’argent et manger. Il découvre les comics dans la foulée.
N’étant pas le premier venu dans le monde du manga, il n’attend pas longtemps pour fonder une nouvelle structure, une maison d’édition appelée Ikuei Shuppan. Il entame la publication de plusieurs revues : Manga Man et Hello Manga. La première est la publication officielle du cercle Kansai Manga Man Club qu’il fonde avec d’autres artistes d’Ôsaka, dont Tokio Ôsaka, Masao Tanaka, Mitsuo Tôura?. A en voir son aspect, on est plutôt dans la revue d'auteur pour adulte avec des caricatures difficile à appréhender.
Quant à Hello Manga, il s'agit d'une revue pour enfants avec des couvertures colorés et des histoires amusantes.
C’est aussi lors d’une rencontre de ce cercle, en août 1946, que Sakai fait la connaissance de Osamu Tezuka. Ce n'est pas tout à fait clair, mais comme Hello Manga est publié tous les deux mois, et que le numéro 2 a été publié en octobre 1946, on peut deviner que la rencontre de ce cercle avait pour but d’inaugurer la publication du premier numéro. Tezuka n’y apparaîtrait qu’à partir du deuxième numéro en publiant le strip Kurihirohi.
Couverture des numéros 1 & 5 de la revue Manga Man, respectivement publiés en mai et octobre 1946.
Deuxième numéro de Hello Manga, où l'on découvre quelques strips de Shichima Sakai (Zô no Kushami), Osamu Tezuka (Kurihirohi) et de Yamate? Yoshikazu. (Pour agrandir : clic droit > ouvrir l'image dans un nouvel onglet)
Bien, je m’arrête ici pour l’instant. L’article est très long à écrire et ma partie sur la relation entre Tezuka et Sakai est loin d’être terminée... Je ne peux même pas dire quand ce sera prêt.. ^^"
Happy Manga Day ! (avec un jour de retard)
Lectures complémentaires :
Nazo no mangaka - Sakai Shichima-den - Shin Takarajima densetsu no hikari to kage, Haruyuki Nakano, Chikuma Shobô, 2007.
Bessatsu Taiyô - Kodomo no shôwa-shi - Shônen Manga no Sekai I, Heibonsha, 1996.
Par Nicolas, le 12/6/2020 à 9:51.
Comment:
Ce jeudi 11 juin, je suis allé au Mandarake de Shibuya. J'y vais assez souvent, et donc j'ai déjà des tonnes de photos de babioles en tout genre que je vais mettre en ligne petit à petit. Il n'y aura pas toutes les explications à chaque fois, car je ne sais pas toujours ce que c'est, mais rien ne m'empêchera d'ajouter des légendes plus tard. (MaJ du 14 juin : c'est fait).
Au départ, je voulais mettre une dizaine de photos, mais il y en a 3-4 avec des reflets un peu partout, donc j'ai ajouté 3 autres photos de ce que j'ai pu voir en extérieur autour de Shibuya et près de la gare Kiyosumi-Shirakawa.
Pour l'heure, n'hésitez pas à en discuter entre vous. ♪
Au départ, je voulais mettre une dizaine de photos, mais il y en a 3-4 avec des reflets un peu partout, donc j'ai ajouté 3 autres photos de ce que j'ai pu voir en extérieur autour de Shibuya et près de la gare Kiyosumi-Shirakawa.
Pour l'heure, n'hésitez pas à en discuter entre vous. ♪
Par Nicolas, le 10/6/2020 à 10:41.
Sous-catégorie(s) :
japon, tokyo, roppongi, mori art museum, exposition, doraemon, shônen jump, manga, 2017
Comment:
C'était un 27 juillet 2017, je visitais enfin la première des trois grandes expos consacrée à l'histoire du magazine Shônen Jump. Celle-ci allait de son origine jusqu'à son âge d'or dans les années 80, et je n'ai pas été déçu de ce que j'ai pu y découvrir. Malheureusement, les photos étaient interdites, donc je n'y mets que ce que j'ai vu en extérieur et celles du coin où il était autorisé d'en prendre.
Par Nicolas, le 3/6/2020 à 11:25.
Comment:
The Moon est un manga de science-fiction de George Akiyama, publié dans le Shônen Sunday en 1972. Akiyama n'a pas écrit des tonnes d'histoire de science-fiction, et du peu que j'ai épluché de son oeuvre, c'est peut-être bien la seule. Mais il est évident qu'elle a marqué les esprits dans le sens où d'autres auteurs lui rendent hommage à travers leur création. Ces derniers jours, ce fut au tour de Naoki Urasawa après l'annonce du décès d'Akiyama survenu le 12 mai dernier.
Dieu est mort !
Le manga commence avec cette déclaration, celle d'un homme assis au fond de son fauteuil qui réalise que c'est parce que Dieu est mort si le mal existe en ce monde. Et si Dieu ne peut faire justice, alors c'est la force qui le fera. "La force = la justice. J'ai inventé la justice !". Qui est cet homme ? Est-il gentil ou méchant ? On en a strictement aucune idée. Toujours est-il qu'il a fait construire un robot géant avec son argent : The Moon. Et c'est ce robot qui détient la force de faire régner la justice. Pour autant, l'homme n'en fait rien. Il fait appel à son acolyte ninja, le bousier (kusomushi en japonais), pour trouver 9 enfants qui seront les seuls en mesure de contrôler le robot, par la force de leur émotion. C'est d'ailleurs là un point très intéressant, car les 9 enfants doivent agir de concert pour que The Moon bouge. Si l'un d'entre eux refuse ou est absent, The Moon reste simplement immobile quelque soit les dangers qu'ils encourent.
George Akiyama est un mangaka hors norme dans le paysage du manga. Au Japon, en parallèle à son passé d'auteur de gag manga, on le reconnait surtout pour Ashura, Zenigeba et Haguregumo. Dans l'ensemble, il dépeint le quotidien des hommes tout en critiquant agressivement la société japonaise et ses facettes les plus corrompues. En France, on le connaît avec Jintarô, le caïd de Shinjuku (paru en novembre 2011 chez Le lézard noir).
On ressent une nouvelle fois cette plume dans The Moon, en particulier quand l'homme explique aux enfants, après un étrange kidnapping qui n'est pas sans rappeler Cyborg 009 de Shôtarô Ishinomori, qu'il n'est pas un scientifique. Il a pu construire ce robot grâce à sa richesse, en dépensant l'équivalent d'une année de budget de la NASA. De plus, il l'a fait sur un coup de tête en constatant que Dieu est mort. A moins que cela soit par amusement ? Lui-même n'en est pas tout à fait sûr. Mais qu'en est-il vraiment ? The Moon est-il un nouveau Dieu ? Le manga tente d'y répondre en mettant en scène le robot et les enfants dans des intrigues allant d'une affaire de meurtre à l'apparition de d'autres formes de vie, mais le doute plane.
Une antithèse de Cyborg 009 ?
Après mon post sur Facebook autour de The Moon, j'ai reçu plusieurs commentaires sur la possible ressemblance avec le célèbre Cyborg 009 de Shôtarô Ishinomori, notamment sur le fait qu'il y ait 9 enfants.
Sans l'affirmer, c'est vrai qu'on peut y penser, et pas seulement pour ces 9 enfants. Comme indiqué au début de cet article, il y a un personnage aux allures de ninja qui, après un ordre de l'homme riche, part kidnapper les enfants. On constate ensuite que ce "kidnapping" n'a rien de méchant car le ninja ne fait que leur transmettre un message pour qu'ils se retrouvent tous devant un immense bloc de pierre à la manière de 2001 l'Odyssée de l'espace.
Un autre point qui rappelle également Cyborg 009, ce sont les noms des enfants. Ils s'appellent Sansû, Kateika, Shakai, Ongaku, ou encore Taisô, qui ne sont pas du tout des prénoms japonais, mais des noms de matière scolaire. Dans l'ordre : Mathématique, économie domestique, société, musique, sport/gym. De plus, ils sont écrits en katakana, qui est un alphabet japonais souvent utilisé pour écrire des mots d'origine étrangère. N'ayant pas encore fini de lire toute l'histoire, je suppose que ça cache quelque chose.
Mais je peux déjà dire que même si l'oeuvre pourrait être inspirée par Cyborg 009, je ne crois pas que cela soit un hommage pour autant. Je pense même qu'il la critique pour son objectif grandiloquent. The Moon m'a plutôt l'air d'être une version terre à terre de l'oeuvre d'Ishinomori. Malgré son apparence science-fictionnel avec son robot géant et son contrôle par l'émotion, Akiyama évoque les maux d'une société moderne et de ses hommes corrompues. Il met en scène la folie des gens quand ils sont riches, la pauvreté, les rejetés de la société, les affaires de meurtre... A l'instar d'Ashura ou de Zenigeba, les héros d'Akiyama sont en fait des anti-héros qui souhaitent devenir quelqu'un malgré tout. Dès le début, l'homme riche parle à son ninja de cette façon : "Le bousier !! Qui es-tu ? - Je suis une bouse. - Oui, tu n'es qu'une bouse !! - Oui, je suis la chose la plus sale de ce monde !", et pourtant ce bousier est toujours là pour aider les enfants dans leurs missions avec des compétences hors pair, tel un justicier de l'ombre.
Un proto-Bokurano ?
Cette fois, on tape dans le juste. Mohiro Kitoh a déclaré lors d'une interview que The Moon est la matière première de Bokurano. Le nom du robot dans Bokurano est Zearth (The Earth). Les prénoms des enfants sont également en katakana, bien qu'au nombre de 15. De plus, la banderolle entourant le premier volume lors de sa sortie indiquait qu'il s'agissait d'une recommandation de George Akiyama, en personne. Dans l'intrigue, on y trouve ce même type étrange qui explique aux enfants qu'il a inventé un jeu vidéo très réaliste dans lequel ils peuvent contrôler un robot géant. On ne sait d'ailleurs pas du tout d'où il sort. Il est aussi accompagné d'une créature étrange volante qui suivra les gamins dans leur périple, à l'instar du bousier dans The Moon. Et là encore, on ne sait pas vraiment d'où ils viennent et quelles sont leurs véritables intentions. L'élément majeur ajouté par Kitoh est sans aucun doute la mort. Le robot dans Bokurano peut être contrôlé par une personne à la fois, mais l'énergie que demande le robot pour se déplacer et combattre les robots ennemis siphonne l'énergie vitale de son pilote qui finit par en perdre la vie.
Voila pour la présentation de ce manga qui n'a encore jamais connu d'édition en France à ce jour. Si il vous intéresse, n'hésitez pas à presser les éditeurs pour le sortir.
Dieu est mort !
Le manga commence avec cette déclaration, celle d'un homme assis au fond de son fauteuil qui réalise que c'est parce que Dieu est mort si le mal existe en ce monde. Et si Dieu ne peut faire justice, alors c'est la force qui le fera. "La force = la justice. J'ai inventé la justice !". Qui est cet homme ? Est-il gentil ou méchant ? On en a strictement aucune idée. Toujours est-il qu'il a fait construire un robot géant avec son argent : The Moon. Et c'est ce robot qui détient la force de faire régner la justice. Pour autant, l'homme n'en fait rien. Il fait appel à son acolyte ninja, le bousier (kusomushi en japonais), pour trouver 9 enfants qui seront les seuls en mesure de contrôler le robot, par la force de leur émotion. C'est d'ailleurs là un point très intéressant, car les 9 enfants doivent agir de concert pour que The Moon bouge. Si l'un d'entre eux refuse ou est absent, The Moon reste simplement immobile quelque soit les dangers qu'ils encourent.
George Akiyama est un mangaka hors norme dans le paysage du manga. Au Japon, en parallèle à son passé d'auteur de gag manga, on le reconnait surtout pour Ashura, Zenigeba et Haguregumo. Dans l'ensemble, il dépeint le quotidien des hommes tout en critiquant agressivement la société japonaise et ses facettes les plus corrompues. En France, on le connaît avec Jintarô, le caïd de Shinjuku (paru en novembre 2011 chez Le lézard noir).
On ressent une nouvelle fois cette plume dans The Moon, en particulier quand l'homme explique aux enfants, après un étrange kidnapping qui n'est pas sans rappeler Cyborg 009 de Shôtarô Ishinomori, qu'il n'est pas un scientifique. Il a pu construire ce robot grâce à sa richesse, en dépensant l'équivalent d'une année de budget de la NASA. De plus, il l'a fait sur un coup de tête en constatant que Dieu est mort. A moins que cela soit par amusement ? Lui-même n'en est pas tout à fait sûr. Mais qu'en est-il vraiment ? The Moon est-il un nouveau Dieu ? Le manga tente d'y répondre en mettant en scène le robot et les enfants dans des intrigues allant d'une affaire de meurtre à l'apparition de d'autres formes de vie, mais le doute plane.
Une antithèse de Cyborg 009 ?
Après mon post sur Facebook autour de The Moon, j'ai reçu plusieurs commentaires sur la possible ressemblance avec le célèbre Cyborg 009 de Shôtarô Ishinomori, notamment sur le fait qu'il y ait 9 enfants.
Sans l'affirmer, c'est vrai qu'on peut y penser, et pas seulement pour ces 9 enfants. Comme indiqué au début de cet article, il y a un personnage aux allures de ninja qui, après un ordre de l'homme riche, part kidnapper les enfants. On constate ensuite que ce "kidnapping" n'a rien de méchant car le ninja ne fait que leur transmettre un message pour qu'ils se retrouvent tous devant un immense bloc de pierre à la manière de 2001 l'Odyssée de l'espace.
Un autre point qui rappelle également Cyborg 009, ce sont les noms des enfants. Ils s'appellent Sansû, Kateika, Shakai, Ongaku, ou encore Taisô, qui ne sont pas du tout des prénoms japonais, mais des noms de matière scolaire. Dans l'ordre : Mathématique, économie domestique, société, musique, sport/gym. De plus, ils sont écrits en katakana, qui est un alphabet japonais souvent utilisé pour écrire des mots d'origine étrangère. N'ayant pas encore fini de lire toute l'histoire, je suppose que ça cache quelque chose.
Mais je peux déjà dire que même si l'oeuvre pourrait être inspirée par Cyborg 009, je ne crois pas que cela soit un hommage pour autant. Je pense même qu'il la critique pour son objectif grandiloquent. The Moon m'a plutôt l'air d'être une version terre à terre de l'oeuvre d'Ishinomori. Malgré son apparence science-fictionnel avec son robot géant et son contrôle par l'émotion, Akiyama évoque les maux d'une société moderne et de ses hommes corrompues. Il met en scène la folie des gens quand ils sont riches, la pauvreté, les rejetés de la société, les affaires de meurtre... A l'instar d'Ashura ou de Zenigeba, les héros d'Akiyama sont en fait des anti-héros qui souhaitent devenir quelqu'un malgré tout. Dès le début, l'homme riche parle à son ninja de cette façon : "Le bousier !! Qui es-tu ? - Je suis une bouse. - Oui, tu n'es qu'une bouse !! - Oui, je suis la chose la plus sale de ce monde !", et pourtant ce bousier est toujours là pour aider les enfants dans leurs missions avec des compétences hors pair, tel un justicier de l'ombre.
Un proto-Bokurano ?
Cette fois, on tape dans le juste. Mohiro Kitoh a déclaré lors d'une interview que The Moon est la matière première de Bokurano. Le nom du robot dans Bokurano est Zearth (The Earth). Les prénoms des enfants sont également en katakana, bien qu'au nombre de 15. De plus, la banderolle entourant le premier volume lors de sa sortie indiquait qu'il s'agissait d'une recommandation de George Akiyama, en personne. Dans l'intrigue, on y trouve ce même type étrange qui explique aux enfants qu'il a inventé un jeu vidéo très réaliste dans lequel ils peuvent contrôler un robot géant. On ne sait d'ailleurs pas du tout d'où il sort. Il est aussi accompagné d'une créature étrange volante qui suivra les gamins dans leur périple, à l'instar du bousier dans The Moon. Et là encore, on ne sait pas vraiment d'où ils viennent et quelles sont leurs véritables intentions. L'élément majeur ajouté par Kitoh est sans aucun doute la mort. Le robot dans Bokurano peut être contrôlé par une personne à la fois, mais l'énergie que demande le robot pour se déplacer et combattre les robots ennemis siphonne l'énergie vitale de son pilote qui finit par en perdre la vie.
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L'antre de Shigeru Mizuki
En préparation...
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