Ce vendredi 20 mars, c'est le printemps, et je devais impérativement rendre deux volumes de Tetsujin 28 à la bibliothèque de Kyôbashi dans le quartier de Tsukiji. Et comme je n'aime pas tellement prendre le train (surtout en ce moment), j'ai préféré prendre mon temps en marchant le long de la rivière Sumidagawa en direction du sud.
Le rivière Sumidagawa est l'une des plus grosses rivières de la région, avec celle d'Arakawa, qui coupe littéralement tout Tokyo en deux, du nord au sud. Elle prend sa source dans la rivière Arakawa puis redescend jusque dans la Baie de Tokyo vers Odaiba. Comme j'habite dans l'arrondissement de Kôtô-ku un peu au sud de Ryôgoku, je dois systématiquement la traverser pour me rendre à Akihabara ou à Ueno, que ce soit à pied ou en train. Autant dire qu'elle fait vraiment partie de mon quotidien. Et j'apprécie également de me balader tout le long.
Culturellement, Sumidagawa apparaît dans de nombreuses oeuvres d'art, en particulier dans des estampes de Hiroshige, de Hokusai, ou même dans les japonaiseries de Van Gogh. Sur ces estampes, on voit souvent qu'un seul pont, celui de Senju Ohashi-bashi qui relie Minami-senju et Kita-senju. Ce dernier, construit en 1594, était pendant longtemps le seul et unique pont de la rivière. Et quand on se balade le long de cette dernière près de Ryôgoku, on peut observer des copies d'estampes mettant en scène le quotidien des japonais au bord de Sumidagawa. De nos jours, elle est surplombée par 26 ponts et longée par des centaines de bâtiments résidentiels.
Mais surtout, Sumidagawa est vivante ! Je ne crois pas qu'on s'en rende compte sans s'y promener souvent, mais il est très animé comme fleuve. Beaucoup de gens y font leur footing en allant d'un pont à un autre, peignent le paysage environnant, pêchent, emmènent leur chien dans un coin qui leur est réservé pour s'amuser, ou jouent d'un instrument. De plus, tout est aménagé pour. Il est également possible d'y naviguer tout en mangeant dans l'un des bâteaux-restaurants chinois, ou bien d'admirer le paysage dans le Queen Esmeralda designé par Leiji Matsumoto.
Enfin, le plus grand événement à voir aux abords de Sumidagawa est sans aucun doute son feu d'artifice. Historiquement, le grand feu d'artifice de Sumidagawa est le plus vieux feu d'artifice du pays dont les plus anciennes traces remontent jusqu'en 1732. Les feux sont nés après la famine de Kyôhô entre 1732-33 qui aurait fait jusqu'à 169.000 morts. A l'origine, c'était un feu d'artifice en la mémoire des personnes décédés, mais ironiquement, cette mémoire à été oubliée depuis bien longtemps pour ne laisser place qu'à un grand événement célébrant l'été japonais. Il reste pourtant des traces de cette catastrophe encore aujourd'hui. Les stands de pomme de terre douce en sont un bel exemple. Au lendemain de la famine, on donnait des pommes de terre douces aux habitants pendant le festival pour qu'il n'ait plus jamais à la subir. Déguster une "sweet potato" pendant un festival viendrait spécifiquement de cette histoire, mais là encore, son origine a été oubliée depuis longtemps.
De nos jours, des centaines de milliers de personnes viennent des quatre coins du pays comme du monde entier pour assister à ces feux d'artifices. Ça laisse songeur. :)
Ce jeudi 12 mars (2020), je me suis baladé dans le quartier de Yanaka, celui qu'on appelle également le vieux Tokyo. Pour la petite histoire, Yanaka serait le seul quartier de la capitale à avoir survécu aux bombardements de Tokyo pendant la seconde guerre mondiale. Le quartier a bien changé depuis, mais certains coins, comme la rue commerçante Yanaka Ginza, serait encore d'époque.
En route !
Tout d'abord, je suis d'abord allé jusqu'à Ueno en vélo, puis j'ai filé au nord-ouest en direction de Nippori. Je suis passé par la rue entre le parc d'Ueno et le lac Shinobazu. J'aurais pu passer directement par le parc, mais il y a de plus en plus de peuple en ce moment avec la saison des cerisiers qui arrive.
D'ailleurs, quand on longe le parc, on peut tomber sur un hôtel très particulier, le Suigetsu Hotel Ohgaisou. Je ne suis pas là pour faire la pub de cet hôtel, mais il est tout de même important pour quiconque apprécie la littérature japonaise. Avant de devenir un hôtel, il s'agissait de l'ancienne résidence de Mori Ôgai, le célèbre romancier de Mai Hime (La danseuse) et de L'Intendant Sanshô. Bien sûr, ce n'est pas non plus ultra-exceptionnel, alors je recommande ce spot seulement si on a du temps devant nous.
Plus j'allais vers le nord, plus je reconnaissais le paysage. En fait, même si je n'ai jamais vraiment visité le centre de Yanaka, je suis déjà passé par plusieurs rues autour pour me rendre à la bibliothèque de l'Université des Beaux-Arts d'Ueno quand j'habitais dans le quartier de Hakusan. Je suis vraiment tête en l'air... ^^"
Cette fois, je m'y rends vraiment dans le but de découvrir ce qui fait le charme de Yanaka, avec deux spots en tête : la rue commerçante Yanaka Ginza, et le cimetière Yanaka Reien avec son avenue bordée de cerisiers.
Le cimetière Yanaka Reien
Ça peut paraître bizarre de parler de cimetière, mais en vrai, on est pas là pour le visiter, mais plutôt pour marcher le long de Sakura-doori, l'avenue des cerisiers, qui rejoint ensuite le temple Tennôji. Mais je dois admettre que ce cimetière est l'un des plus grand que j'ai vu dans toute cette ville, il ferait environ dix hectares. C'est là que Yoshinobu Tokugawa, le dernier shogun de l'ère Edo, a été enterré, mais je ne l'ai su qu'après sur internet. Et comme on est que mi-mars, les cerisiers ne sont pas encore en fleurs. Le spectacle n'est pas lugubre pour autant, d'autant plus que le ciel était bleu, mais ce sera sans doute bien plus sympa à voir d'ici deux ou trois semaines quand les cerisiers vont fleurir. Néanmoins, un jolie paysage s'est déroulé devant mes yeux quand je suis arrivé devant le temple Tennôji.
Le temple Tennôji
On peut découvrir de nombreux temples à Yanaka, mais le plus populaire d'entre eux est certainement le temple Tennôji. Il aurait été construit pendant l'ère Muromachi, entre 1394 et 1427. Et à première vue, sa structure est assez différente des autres temples bouddhistes que j'ai pu visiter jusque là. Je ne suis pas expert non plus donc je n'irai pas plus loin dans les détails. Néanmoins, quand je suis arrivé devant, j'ai été aussi frappé par la statue de Bouddha en bronze, Tennôji daibutsu, qui se trouve sur la gauche. Celle-ci a été créée en 1690 par Ota Kyuemon. Avec les arbres tout autour, on peut dire que le spectacle en vaut la chandelle.
Vers Yanaka Ginza
En dégotant une carte du quartier à la deuxième entrée du temple, j'ai constaté que je pouvais me rendre jusqu'à Yanaka Ginza en longeant un petit chemin le long des rails de la station Nippori. Je décide de suivre ce parcours puis de remonter vers l'ouest. Cinq minutes après, je tombe sur un embranchement. Le chemin de droite, d'où l'on peut voir divers petits magasins et des stands de nourriture, m'indique que j'arrive bientôt à Yanaka Ginza. Je l'emprunte, puis une fois au bout, je me retrouve en haut d'un escalier menant vers de la fameuse rue commerçante.
Le paysage est étonnant. J'ai déjà parcouru des tas de shôtengai, mais jamais d'un tel point de vue. On sent vraiment qu'on est sur le point d'entre dans un monde ancien. Dire que ce genre de rue était très populaire autrefois semble surréaliste quand on y pense. Bien sûr, une fois à l'intérieur, les commerces qu'on y trouve ne sont pas si différents des autres. Elle est plus étroite mais aussi plus calme que les rues commerçantes couvertes d'Asakusa. Il ne faut qu'une dizaine de minutes pour la parcourir, plus longtemps si on s'arrête pour manger. Une fois au bout, on peut poursuivre vers d'autres commerces en tournant à droite. C'est d'ailleurs là que j'ai trouvé le petit office du tourisme du quartier avec ses cartes et ses parcours pour découvrir tous les temples des environs. C'est très sympa, mais je n'ai pas poussé la visite plus loin. Je réserve ça pour quand les cerisiers seront en fleurs.
Pour finir...
J'ai passé une excellente journée. Il a fait super beau, 18°C, ce qui est rare pour un début mars.
J'ai oublié d'en parler avant, mais en rendant vers Yanaka, je suis passé devant une petite librairie de livres d'occasions appelée Kôsho Mimizuku. On y trouve de tout, sur l'art, l'histoire, ou bien la religion. Le gérant y est très gentil et à l'écoute. En apprenant que j'étais français, il m'avoue un faible pour la philosophie de Foucault et l'oeuvre de Boris Vian.
Pour ma part, en bon amateur de mangas, je lui ai demandé ce qu'il avait à ce sujet. Il m'a dirigé vers quelques bouquins de Yoshiharu Tsugé et de Shinji Nagashima, deux anciens mangakas du magazine Garo que j'apprécie beaucoup. Le gérant les aime tout autant mais préfère quand même le grand Shirato Sanpei et son Kamui-den emblématique.
J'en ai profité pour acheter Hinkon Ryokô-ki, une chronique de voyage composée de 13 essais écris par Yoshiharu Tsugé et publié en 1991.
Si jamais vous passez dans le coin, je recommande ce passage en librairie.
C'est tout pour aujourd'hui. Mais voici d'autres photos pour continuer un peu la visite.
Un premier contact avec Isao Takahata et Hayao Miyazaki
A Terebi Land, Toshio Suzuki s'occupe principalement de la partie manga. Et son refus vient du fait qu'il n'y connait absolument rien à l'animation (oui, on parle bien d'un des futurs plus grands producteurs de film d'animation du Japon !). Mais cela n'arrête pas Hideo Ogata pour autant. Ce dernier lui explique qu'il souhaite monter un magazine pour enfants intelligents, donc avec des articles plus fournis qu'à Terebi Land, que son fils aime les séries d'animation, et en particulier Yamato, qu'il sera en charge d'à peu près tout (même si il n'est pas rédacteur en chef au début), et qu'il peut le présenter à plusieurs amatrices d'animation pour en apprendre davantage sur ce type de média. Finalement, Suzuki accepte. Mais, ironie du sort, il n'a que trois semaines pour boucler un premier jet du magazine ! Sans perdre de temps, il part à la rencontre des femmes qui se révèlent être des amatrices éclairées. Celles-ci lui parlent d'Astroboy et de Hols, prince du soleil avec nombre de détails, et qu'elles se rendent souvent à la rencontre des créateurs de leurs personnages favoris. C'est d'ailleurs ces dernières qui incitent Suzuki à se pencher sur le film d'Isao Takahata. Et il décide d'en faire l'objet d'un de ses premiers dossiers pour le premier numéro d'Animage.
Mais comment faire ? Car même si il devine qu'il peut récupérer des informations et des images auprès du studio Tôei Dôga, il ne peut pas interviewer les personnages comme on peut le faire pour un film en prises de vues réelles.
De fil en aiguille, Suzuki finit par téléphoner à Isao Takahata. Mais bien que ce dernier soit le réalisateur de Hols, il l'invite à en discuter avec Miyazaki.
"J'ai entendu votre conversation. C'est moi qui ferais l'interview. Mais en échange, j'aimerais obtenir seize pages au lieu de huit. Pour vous parler de ce film, je dois évoquer en détail nos activités syndicales, sinon je ne pourrais pas transmettre tout ce que j'ai à dire." (Hayao Miyazaki, Ghibli no kyôkasho 1 Kaze no tani no Nausicaä, p.47.)
Malheureusement, la requête de Miyazaki est hors de portée pour Suzuki. Ce premier contact est un véritable échec. Il se résigne et décide de récupérer des commentaires auprès de trois comédiens de doublage. Néanmoins, après une heure de discussion, la manière de parler de Miyazaki, d'évoquer les choses, tout cela l'intrigue. De plus, quand il assiste à une projection de Hols, il découvre à sa grande surprise que même si l'histoire se passe dans les pays scandinaves, le fond et les propos lui rappelle ce qu'il s'est passé au Vietnam. Mais finalement, le premier dossier Anime Encore du tout premier Animage ne s'en tient qu'à un résumé illustré du film, quelques lignes de commentaires et plusieurs croquis originaux.
Durant les premières semaines, le magazine s'écoule à 70000 exemplaires, avant de grimper très rapidement à 250000. Un tel chiffre permet à Animage de ne plus être qu'un supplément de Terebi Land, mais un magazine à part entière, et ce dès son troisième numéro.
Voila, vous en savez désormais à peu plus sur Toshio Suzuki avant qu'il ne devienne le fameux producteur du studio Ghibli, mais aussi comment le magazine Animage a été créé. Bien sûr, jusqu'aux premières idées de Nausicaä, bien des choses se passent. Comme la première rencontre entre Suzuki et les deux compères, les liens qui se créent entre eux, et leur implication de plus en plus importante dans le magazine Animage. Mais comme tout cela se rapporte à la production de Kié la petite peste et du Château de Cagliostro, je n'en parlerai pas dans cette série d'articles. Ce qui nous intéresse ici est Nausicaä, mais le chemin à parcourir est encore semé d'embûches.
Dans le prochain épisode : 1981 – Le monde de la romance et de l'aventure !
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Bibliographie
ジブリの教科書1 風の谷のナウシカ (Ghibli no kyôkasho 1 Kaze no tani no Nausicaä), Bunshun Ghibli Bunko, 10 avril 2013, 319p.
アニメアンコール (Anime Encore (Animage #1)), Toshio SUZUKI, Tokuma Shoten, 1978.
あの旗を撃て!「アニメージュ」血風録 (Ano hata wo ute! Animage keppuroku), Hideo OGATA, Oakla Shuppan, 2004.
Dans le Studio Ghibli - Travailler en s'amusant, Toshio SUZUKI, Kana, 20 octobre 2011, 226p.
Nausicaä de la vallée du vent sort dans les salles obscures japonaises le 11 mars 1984. A la grande surprise de son réalisateur, Hayao Miyazaki, le film est un succès, tant et si bien qu'il permet d'aboutir à la fondation d'une structure qui deviendra peu à peu gigantesque : le studio Ghibli. Pour autant, Nausicaä n'est pas une production Ghibli, mais de Topcraft, un autre studio qui avait tout pour conquérir le monde.
Pour bien comprendre la création de Nausicäa, il est d'abord nécessaire de connaître deux-trois petites choses qui vont permettre à Miyazaki d'arriver à songer à Nausicaä. Rien n'arrive vraiment au hasard dans ce milieu, et c'est en emboîtant ces petits éléments qu'un film d'envergure comme celui-ci voit le jour. De là, je dois donc présenter en premier Toshio Suzuki et son rôle dans le magazine Animage.
Animage est un magazine spécialisé en animation édité par la maison d'édition Tokuma Shoten où on peut y lire l'actualité des dernières séries et des films, des dossiers et des interviews (n'hésite pas à cliquer ici pour voir le contenu d'un numéro !). En France, je pense qu'on peut le comparer à Animeland ou bien à Coyote Mag. Mais il a deux particularités majeures. La première, le magazine propose aussi du manga. Et la deuxième, la présence de Toshio Suzuki.
Si son nom vous dit quelque chose, c'est sans doute parce qu'il est l'actuel grand producteur du studio Ghibli. Mais avant cela, il est principalement rédacteur pour Tokuma Shoten. Mais alors, quel est le rapport entre Suzuki et Nausicaä ? Miyazaki aurait dit un jour que Ghibli n'aurait jamais pu venir au monde sans Toshio Suzuki (j'aime beaucoup, mais je ne trouve pas la source de cette phrase soi-disant célèbre). En somme, cette personne est très très importante en devenant un maillon entre Animage, Nausicaä et le studio Ghibli, et je vais donc vous raconter un peu son parcours chez Tokuma Shoten dans un premier temps, et son rôle aux premières heures d'Animage dans un second.
Toshio Suzuki est né en 1948 à Nagoya. Et, c'est tout... Soit je ne suis pas encore tombé sur un livre qui parle de sa jeunesse (il me semble que si, mais dans ce cas j'y reviendrai), soit il n'en a rien écrit nulle part, mais je ne peux que commencer à parler de lui qu'à partir de 1972, l'année où il sort de l'Université Keiô avec un diplôme de littérature en poche.
Donc, à partir de 1972, il commence à travailler pour le magazine d'art et de divertissement Asahi Geinô où il couvre l'actualité du manga, et même la page astrologie. Peu de temps après, il devient rédacteur en chef d'un supplément du magazine, le Comic & Comic (illustration à droite). C'était un magazine de prépublication de manga érotique. Sa publication ne dure qu'un an, mais elle permet à Suzuki de rencontrer plusieurs grands noms du manga comme Osamu Tezuka, Shôtarô Ishinomori, ou encore Kazuo Kamimura. Finalement, après l'arrêt de sa publication, il retourne travailler pour Asahi Geinô, mais cette fois en touchant à des sujets de fond, comme les bôsôzoku et les kamikazé. Il parle de cette histoire dans le livre Dans le studio Ghibli, travailler en s'amusant, édité en France par Kana au début des années 2010. Je le recommande chaudement. Les sujets que Suzuki traite sont un peu tendus car lui et ses amis vont à la rencontre des personnalités et ont parfois eu affaire aux yakusas et aux policiers. Quelque part, on peut voir Suzuki comme un Hunter S. Thompson japonais. Dans le livre Ghibli no kyôkasho dédié à Nausicaä, il raconte même qu'un de ses collègues est revenu dans les bureaux avec le visage ensanglanté et à écrit son article ainsi... Donc, quand en 1975 on lui offre le poste de rédacteur pour le magazine Terebi Land, c'est pour lui comme un soulagement.
Terebi Land, c'est l'ancêtre d'Animage, en moins spécialisé et plus grand public (un peu comme Animage de nos jours, finalement). Le magazine a été créé en 1973 pour couvrir l'actualité de l'animation et du tokusatsu, mais sans aller au fond des choses. Cela suffit à l'époque. Du moins, tout le monde pense que cela suffit car il se vend bien. Mais en parallèle, une série d'animation est peu à peu en train de changer la donne dans le décors visuel japonais. Elle s'appelle Uchû Senkan Yamato (Yamato, le cuirassé de l'espace). Dans un premier temps, la série ne marche pas bien, le taux d'audience est bas, si bas que la série s'achève en 26 épisodes au lieu de 39. Bref, personne ne se doute de rien. Pourtant, les fans de la série se rassemblent. Ils se rassemblent dans les conventions de science-fiction, puis au Comiket dont le premier événement a lieu en 1975. Et finalement, le Japon assiste à la naissance d'un premier mouvement pour l'animation japonaise. En août 1977, le premier film de Yamato sort au cinéma et accueille des files de spectateurs comme jamais vu jusque là pour un film d'animation.
A ce moment-là, l'équipe de Terebi Land et son rédacteur en chef Hideo Ogata crée un supplément centré sur Yamato. C'est le premier numéro de la collection Roman Album. Dedans on y trouve de nombreux détails sur la production de la série avec des centaines de croquis originaux et quelques commentaires de la part des créateurs. Grâce à l'engouement des fans, ce numéro s'écoule à 400 000 exemplaires. Le succès est retentissant. Ce succès, il donne des idées à Hideo Ogata qui propose à Tokuma Shoten de lancer un nouveau mensuel spécialisé en animation pour enfants intelligents : Animage. Là, il fait appel à Toshio Suzuki, mais il refuse aussitôt...
Merci d'avoir lu ! Si vous souhaitez commenter, des questions, remarques, "OMG, les fautes d'ortho !", n'hésitez pas à m'en parler sur Facebook : https://www.facebook.com/limitedanimation. :)
Le layout est un document interprétant un plan du storyboard, accompagné ou non d’un ou plusieurs éléments issus des bibles des croquis (settei). Il donne des instructions aux animateurs et aux décorateurs, avec un système de cadres définissant le positionnement des éléments dans le décor, leurs mouvements et les mouvements de caméra. En général, le layout a la dimension d’une feuille A4, mais il peut avoir des dimensions beaucoup plus importantes, parfois plusieurs feuilles scotchées les unes aux autres avec un décor gigantesque. Le layout est généralement dessiné par un animateur qui s’occupe ensuite des poses clés du plan en question.
Selon le site de l'AJA, une feuille de layout (layout yôshi) est blanche, d'une taille A4, avec un ou plusieurs cadres internes en pointillés de différentes tailles qui s'accordent aux tailles standards des écrans de télévision ou de cinéma.
Le cadre interne en trait plein noir mesure (à peu de chose près) 25,4cm:14,28cm (soit 16:9). Quant aux autres cadres en pointillés, celui le plus à l'extérieur est un scan frame. C'est généralement le cadre à ne pas dépasser, mais certains artistes ne s'en soucient pas. Enfin, même si il n'apparaît pas sur l'illustration, on peut parfois voir un cadre en pointillé à l'intérieur du cadre en trait plein. Ce dernier est un cadre de sécurité (anzen frame) qui fixe une marge de sécurité vis-à-vis des différents standards des écrans de télévision.
Bien sûr, il existe des variations comme on peut le voir avec le layout de Princesse Mononoké au dessus qui est nettement plus allongé, ou bien celui de Akagé no An plus bas dont le format télévisuel standard à cette époque était le 4:3. Tout dépend donc du studio, du format du sujet et de l'époque.
Tout en haut du layout, nous pouvons voir une #, la lettre C et le mot TIME.
Le C indique le numéro de la séquence, ou cut en anglais, de l'épisode #. Sur d'autres layout, le # est absent, ou bien y trouver un S en bonus. Le S indique la scène entière qui est composée de plusieurs séquences.
Quant à TIME, il s'agit de la durée (en seconde) de la séquence en question. Et enfin le + indique le temps additionnel imprévu.
Par exemple, si on regarde encore une fois le layout de Princesse Mononoke, nous avons C 730 et Time (5+0). On comprend alors qu'il s'agit de la séquence 730 du film et qu'elle dure 5 secondes avec aucun temps additionnel.
Enfin, chaque studio pose son nom ou son logo à droite ou gauche. Studio Ghibli dans le cas de Princesse Mononoké, Nippon Animation dans le cas de Akagé no An.
La création des layout est une étape très importante. D'après plusieurs exosquelettes de production d'une animation (et malgré quelques variations), elle est la première étape de la deuxième des trois grandes phases de production entre l'étape du storyboard et la création des animations-clés. Le layout est dessiné à partir du storyboard, et les animations-clés sont dessinés à partir du layout. Ce passage de l'un à l'autre s'opère selon un layout system.
Il est important car, même si le storyboard renseigne déjà beaucoup d'informations, le layout permet d'obtenir une structure et une vue d'ensemble plus grande, d'y voir les personnages, les informations sur leurs mouvements, le décors en détail et son équilibre, la source de la lumière ou du vent, les effets spéciaux, ou encore les informations sur le mouvement de la caméra, le tout en une image.
Qui dessine ? Le plus souvent, les animateurs-clés. Une fois que le réalisateur leur a attribué les scènes du storyboard (il arrive aussi que les animateurs-clés les choisissent), ces derniers dessinent une première version des layout à partir des indications. Une fois dessinés, le réalisateur (ou le directeur technique dans le cas d'une série TV) ou le directeur de l'animation vérifie leur cohérence. Si jamais il y a des défauts, ils apportent des corrections, ou redessine tout (si ils ont le temps), sur une feuille de layout colorée. Selon les corrections à apporter, ils peuvent être retournés à l'animateur-clé qui doit alors redessiner le layout pour de bon. Bien sûr, si le layout n'a pas de défaut, cette dernière étape n'est pas nécessaire.
Enfin, cas particulier, si le réalisateur est doué en dessin, il peut également les dessiner ou les redessiner lui-même, comme le fait Hayao Miyazaki.
Un peu d'histoire
Le layout system n'est pas apparu dès les premières heures de l'animation japonaise. En fait, cette étape est apparue assez tardivement, à partir de 1974 lors de la création de la série Heidi, petite fille des Alpes. Sous la direction d'Isao Takahata, Hayao Miyazaki a redessiné les plans du storyboard avec le maximum de détails possible issue de la bible des croquis (settei) de la série, comme les décors, les personnages et les objets. Miyazaki dessinait plus de 300 layout et des croquis d'animations-clés par épisode chaque semaine. Grâce à cette nouvelle méthode, bien que fastidieuse, Isao Takahata pouvait déjà se faire une idée de sa réalisation avant que les animateurs ne commencent à dessiner les clés et les intervalles. Désormais, la plupart des studios passent par cette étape. En un sens, la série Heidi peut être considérée comme un tournant majeur dans l'histoire de la production d'animation.
Plus haut, je mentionne des cas particuliers par rapport aux formats du film ou de la série, donc il n'est pas nécessaire de revenir dessus. Mais il en existe un autre où la vue d'ensemble de la scène est plus grande que le cadre de la télévision ou de la toile. Cela intervient quand la caméra doit se déplacer horizontalement, verticalement ou bien en diagonal, ou encore si il faut zoomer ou dézoomer. Pour bien l'expliciter, les animateurs-clés ou le réalisateur n'hésitent pas à scotcher plusieurs feuilles de layout ensemble. Le résultat est parfois très impressionnant.
Le plus gros du sujet est écrit, mais j'aime bien repasser dessus pour peaufiner les détails, ajouter ou réécrire des passages, corriger des fautes... Si vous avez des questions, n'hésitez pas à m'en parler sur Facebook : https://www.facebook.com/limitedanimation